Gordon Sheppard

Writer, Photographer, Filmmaker

Gordon Sheppard: des révélations d’intérêt public

Les oeuvres du photographe, cinéaste et écrivain montréalais, Gordon Sheppard, ont étonne son public tout au long de sa carrière. Son livre HA! : a self murder mystery, mi-roman, mi-chronique, présente le Québec des années 1960 a travers le suicide d’Hubert Aquin.

DAVID HOMEL

Publié en 2003 aux McGill-Queen’s University Press, il a été louangé par les critiques des deux communautés linguistiques de Montréal. Il s’agit d’un livre objet de presque 900 pages. On y retrouve, entre autres documents, un fac-similé du dernier mot qu’a écrit Aquin avant de tirer sa révérence, en 1977. Sheppard avait également fait paraître Signé Hubert Aquin, enquête sur le suicide d’un écrivain, aux Editions du Boréal Express, à Montréal, en 1985.

Il y a de nouveaux objets de Gordon Sheppard qu’on peut admirer à la galerie du salon b, au 4231b, boulevard Saint-Laurent, à Montréal, jusqu’au 11 septembre. Les photos que Sheppard nous propose m’ont surpris. Ce sont des images de nénuphars et d’herbes caressées par les eaux. L’exposition s’appelle Visions d’eau, et elle s’inspire directement du jardin du peintre Monet, à Giverny. Ce qui m’a surpris, c’est le sentiment de paix dans le mouvement qui habite ces photos, l’extrême attention aux détails de la nature. On dirait que Sheppard, après une carrière très variée et une vie tumultueuse, a justement trouvé la paix.

Ne nous étonnons pas que l’exposition ait lieu au salon funéraire, le Alfred Dallaire Memoria, créé par Jocelyne Légaré. (D’ailleurs, ce lieu vaut le détour, quelle que soit l’exposition en cours.) Gordon Sheppard a toujours enquêté sur la mort. Effectivement, HA! est une méditation sur le suicide et sa relation avec l’art et la politique. L’un des livres essentiels pour comprendre le Québec actuel. Multilingue, il devrait sortir sous peu chez Hurtubise HMH.

En regardant les photos de Visions d’eau, on dirait que Sheppard, après presque dix ans à partager son corps avec le cancer, a trouvé un équilibre entre l’impossibilité de l’existence et le besoin de continuer son cheminement personnel. Il qualifie le travail de l’artiste de « révélations d’intérêt public ». Les photos sont présentées dans des boîtes, ornées de feuilles d’or, telles des icônes. Mais au lieu d’abriter des images de la Vierge, les boîtes nous permettent de contempler la fleur d’un nénuphar, ou les ondes dessinées par des herbes dans un ruisseau.

Est-ce surprenant qu’un homme se tourne vers la spiritualité alors que la maladie le frappe? Sheppard, né à Montréal, mais ayant vécu à Toronto jusqu’en 1966, parle de la force spirituelle de notre ville qui émane de ses racines catholiques. Pendant que les Québécois catholiques s’efforcent d’oublier leur enseignement religieux, Sheppard y fait le tri, et y trouve des sources d’inspiration.

Et si ça lui permet de travailler et de rester en vie, tant mieux.

Le Devoir
septembre 2005